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SophiedeCondorcet
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SophiedeCondorcet
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12 décembre 2006

Mailla l'inconstant

Sophie a beau s'entourer de toute la bonne société de l'instant, Julie Talma,  Benjamin Constant, Baggesen, Salaville auteur d'une théorie sur la Révolution Française comparée à celle d'Angleterre, mais aucun ne lui fait oublier "l'incomparable" Mailla...

JulieCarreau

Julie Carreau Talma l'amie chère de Sophie

" Mon tendre ami tu sais bien que tes lettres ne peuvent que m'apporter du bonheur et tu sais bien aussi que ma tristesse t'en donnait à toi même et te portait même à cherche le monde pour t'en distraire... Oh mon Mail ! Si jamais il exista sur terre une femme à laquelle tout au monde ait donné le besoin du lien le plus intime, le plus complet, c'est moi certainement qui suit cette femme.... (.....)

Si je ne pars pas quintidi, je partirais le lendemain (quintidi étant le 5è jour de la décade ici cela peut être le 5, le 15 ou le 25 du mois que Sophie ne précise pas) mais j'ignore si l'état de Sèvres ou de Marly (l'état des routes) me faisant passer par Versailles, je ne serais pas deux jours en route. Celui où je te reverrai sera bien doux cher Mail... Je suis si mal loin de toi ...

Cette année là, le peintre Isabey réalise le portrait d'Eliza beaucoup moins jolie que sa mère.. Mailla, l'inconstant va tout de même faire un plus long séjour à la "maisonnette" avec Sophie, Eliza et toute la tribu habituelle, puis il repartira avec la fillette qu'il ramènera à Paris car Sophie a besoin de calme. Ses tourments maladifs, la chaleur de l'été, tout contribue à ce que son séjour se prolonge à Meulan.

A peine franchit une nouvelle fois la barrière de la ville, elle lui écrira à nouveau une longue lettre où toutes les espérances d'un coeur fragilisé sont concentrées en ces lignes superbes :

" Que je t'aime mon Mail ! et quelle peine j'ai toujours et plus que jamais d'être séparée de toi.. Je me rappelai religieusement en te quittant avec quelle tendresse tu étais venu m'accompagner, le charme des heureux moments par lesquels tu a embelli mes jours depuis trois semaines et ramené à l'espoir d'une compagne heureuse mon coeur terrifié et abattu. Je me rappelai que tu veux que je me confie en ton amour... Que tu me l'a demandé ces derniers temps avec tous les témoignages de sentiments qui la méritent, et bien, mon faible coeur ne conserva un peu de sérénité que jusqu'à notre coteau. A la vue de la "maisonnette" je ne pus retenir mes larmes... Pardonne ces alarmes condamnées bientôt par le souvenir que toi-même vint les tarir et m'arracher de cette solitude..... Cher ami, après les devoirs paternels moins occupants cette fois parce qu'ils sont plus partagés, j'éprouve un vide affreux en me sentant encore loin de toi et sans Eliza. Je change de place à chaque quart d'heure comme si je pouvais te trouver à quelqu'une. Je conjure ce ciel brillant, comme si les nuages pouvaient m'apporter ta présence ou te rendre présent tout ce que je souffre loin de toi...  Cher ami, il y a à notre "maisonnette", une petite pointe générale de verdure qui attend la pluie pour faire tapis. Cher ami, j'irais demain saluer ta chambre, notre bibliothèque et respirer l'espérance où tu me ferais vivre du bonheur... Aie bien soin de notre enfant et surtout de sa douceur ...

Ainsi Sophie compare t'elle déjà Mailla au père d'Eliza ! A t'elle déjà à ce point oublié le marquis de Condorcet, pour lui enlever cette paternité qu'il a si douloureusement revendiquée dans son testament et dans les derniers instants de sa vie ?

C'est alors qu'un nouveau désir de maternité va plonger Sophie dans une attente plus cruelle encore. Elle veut un enfant de Mailla et le désire ardemment en le lui disant en ces termes qui ne cachent rien de ce désir fougueux "je voudrais voir fleurir un joli bouton que nous aimerions à l'envie".... Elle le lui dit ouvertement dans plusieurs missives, ce qui ne laisse aucun doute sur ce désir charnel qu'elle a de lui donner cet enfant, de leur sang, de leur amour et qui nouerait davantage encore certainement les liens que Sophie tisse autour de son amant..

La jalousie pourtant est une bien mauvaise conseillère et Sophie la découvre car Mailla continue de s'absenter encore et encore et de plus en plus souvent, s'étourdissant en jeux de toute sorte, en sorties mondaines qui l'épuisent dans un tourbillon sans fin " j'ai sans doute tort mon tendre ami en t'exprimant d'une manière quelconque la douleur que je ressentais d'une absence que mon coeur trouvait sans motif".... lui écrit-elle pour se justifier car Sophie est encore retenue à Meulan.

C'est l'hiver désormais, tout n'est que gel et les routes sont devenues impraticables. Heureusement, Cécile de Pontécoulant sa belle-soeur, épouse d'Emmanuel de Grouchy, elle aussi délaissée par les campagnes incessantes de son époux qui combat aux côtés de l'Empereur, est auprès d'elle, souffrante tout comme Sophie que l'hiver n'arrange guère.

Eliza aussi est revenue auprès de sa mère mais mal disposée envers elle pour l'avoir contrainte à préférer la campagne à la ville qui n'offre aucune distraction outre celle que de se promener dans les vieilles ruelles de la petite bourgade, à regarder les boutiques qui, de chaque côté de la rue Basse, la rue principale et commerçante, tentent d'attirer les clients par ces temps de misère où la guerre menée par le jeune Bonaparte épuise les bourses et rend exangue le peuple... Mais Eliza pour l'heure doit s'en contenter ou tenir compagnie à sa mère. Parfois, lorsqu'un rayon de soleil est obligeant et que les routes sont dégagées, on pousse jusqu'à Villette rendre visite au grand-papa Grouchy de plus en plus courbé par l'âge mais qui s'occupe encore tant bien que mal, aidé d'Henri le plus jeune frère de Sophie qui a en charge la bonne marche du domaine restitué après Thermidor.

1800 Mailla entre au TRIBUNAT. Le voici devenu Tribun mais c'est aussi l'année où la chère Anne Catherine Helvétius rend l'âme. La voici partie rejoindre ses grands hommes laissant sa maison vide et y dispersant tout ceux qui la composaient encore à commencer par les Cabanis et ce sera également l'année d'une rupture retentissante, celle de Sophie et de Mailla !

LE_TRIBUNATTribunat1

Le tribunat à PARIS et un Tribun

Elle ne se fera sans mal cette rupture et bien des larmes couleront avant qu'elle ne soit définitive et irrévocable. Cette passion qui brûle au plus profond d'elle-même notre Sophie n'est plus, pour l'inconstant jeune homme, qu'une habitude... Il ne sait comment avertir Sophie qu'un autre amour le retient hors d'elle et que ce nouvel "abandon" a pour nom Aimée de Coigny, la belle ex Duchesse de Fleury divorcée de son Duc, remariée à un Comte connu dans les prisons de la tourmente révolutionnaire et divorcée une nouvelle fois... Aimée qui se dit pourtant la meilleure amie de Sophie...bien qu'elle ne l'ait revue qu'épisodiquement depuis que la Révolution soit venue séparer les meilleures amitiés mais qu'elle a tant de plaisir à recevoir à nouveau chez elle, à Meulan, à Paris, et pour laquelle elle donnerait sa vie même !

La lettre que Sophie écrit en ce début d'année au jeune Tribun, qui lui a annoncé sa visite à Meulan, est pleine d'espoir mais l'on y sent que la jeune femme veut prêcher le vrai pour connaître enfin ce qu'elle ressent de malaise depuis quelque temps au contact de l'aimé ! Des bruits - auxquels elle n'aurait sans doute jamais prêté l'oreille en temps normal - courrent dans les Salons qui ont rouvert leur porte depuis plusieurs mois... Ce ne sont sans doute que libelles et que pure méchanceté dictée par la jalousie qui sont colportées par les langues acérées de ses rivales,  mais Sophie y est tout de même très sensible... Ne dit-on point, à qui veut l'entendre,  que Madame de Coigny serait bientôt l'épouse de Mailla Garat !

Non elle ne peut y croire ! C'est à elle qu'il a promis le mariage... Que vient donc faire Aimée dans toute cette histoire ?

Sophie ne peut se convaincre de la trahison de son amie de toujours. Cette petite Aimée chérie, son amie d'enfance à Villette et  qui vit désormais dans la demeure d'Epinay sur Orge avec les demoiselles de Bellegarde échapées de leur Savoie natale... Il est vrai que les aventures ne se comptent plus pour la belle Duchesse. En a t'elle fait tourner des têtes la belle Aimée, même la prison n'a rien enlevé à sa beauté et à sa joie de vivre ni au désir de se refaire une cour d'admirateurs...

Amoureuse éphémère, inconstante, joyeuse, libertine, prise dans le tourbillon de la Révolution, la belle Aimée s'est séparé du Duc de Fleury plutôt heureux de ce divorce. Leur vie est par trop différente et ils ont été mariés si jeunes qu'ils n'ont point eu le temps véritablement de s'aimer. Aimé vagabondera donc tel un papillon jusqu'à cette rencontre avec Mailla à l'insu de Sophie qui ne se doute pas un seul instant qu'ils sont devenus amants alors que Mailla lui jure encore qu'il l'adore !

Mailla et Aimée se sont rencontrés pour la première fois en 1799 lors de l'inauguration du Salon de peinture  en date du 18 août où le fameux tableau de David "Les Sabines" est exposé dans une des salles du Louvre. Pierre Garat frère de Mailla et chanteur de renom - l'une des plus grandes voix de son temps - est devenu l'amant d'Adèle de Bellegarde (qui a servi de modèle au peintre pour ce tableau) et dont il aura d'ailleurs deux enfants. Mailla ayant suivi le chanteur à Epinay où vivent les soeurs de Bellegarde et Aimée, la rencontre donc ainsi et deviendra très vite son amant. Sophie ignore, dans sa retraite de Meulan, qu'Aimée et Mailla sont si proches bien qu'elle sache qu'ils se sont déjà plusieurs fois rencontrés,  ni surtout qu'ils échangent de tendres billets d'amour et bien plus que cela encore ... Mais son instinct de femme ne la trompe guère, les mauvaises langues faisant le reste... Aussi invite t'elle l'amie et l'amant sous le toit de la "maisonnette" pour en avoir le coeur net !

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Pierre GARAT le chanteur ... frère de "Maltia" dit Mailla

Le moment arriva donc où "notre petite Aimée" comme l'écrit ingénument Sophie est "digne d'être associée à notre vie ici si elle s'y plaît, je trouverais bientôt qu'elle en fait partie..... Il va donc renaître ce bonheur parfait que je craignais tant de reperdre encore. Ah ! que ta lettre m'a fait du bien, soit parce qu'elle t'annonce, soit parce qu'elle prouve que ton coeur comme le mien trouve notre union plus délicieuse que jamais. Surtout au milieu de cette vie champêtre où tous les vrais plaisirs se succèdent les uns aux autres et s'embellissent en se succédant ainsi . Oui mon Mail, ta Soph est heureuse et si heureuse que vingt fois cette nuit elle a été éveillée par ces douces pensées, rendues un peu trop vives par la crainte qui m'avait saisie de ne pas te voir libre d'être souvent ici. Je n'ai pas cette fois à me reprocher qu'une crainte si douloureuse m'ait oté la moindre confiance dans ton coeur, et tu n'appelleras pas Soph ingrate en la revoyant (.....) Mon Mail étant ici, il sera impossible que tu ne visites pas le château paternel. .. L'incorrigible chapitre des préjugés nécessite (pour que je ne subisse pas des scènes) que tu prennes l'habitude de ne pas me tutoyer ni Eliza devant le monde, et pour la prendre efficacement, il faut la contacter chez nous devant tout étranger, sauf exception....(....) Si Aimée prend du chocolat, fait acheter du sien. Je n'en ai de Bayonne que pour huit jours. Adieu mon âme, digne de ce nom !

Ainsi Sophie a donc  l'intention, enfin, de présenter Mailla au très rigide Marquis de Grouchy qui l'on s'en doute, ne tolèrerait qu'un "étranger", à leur caste tutoie sa fille et même sa petite fille...  Cette manoeuvre est-ce calcul de femme inquiète, pour se l'attacher par une présentation officielle au patriarche, est-ce tout simplement pour elle, l'aboutissement normal à leur relation  ? 

Les deux amants arrivent donc à Meulan, arrivée qu'attend tellement notre Sophie ! Aimée est venue avec une idée bien précise en tête, un calcul bien féminin, mettre Sophie devant l'accomplit ! Pour cela elle use de la ruse la plus efficace, prouver à sa rivale que le coeur de son amant est pris ailleurs et bien pris !

à suivre...

Madeleine ARNOLD TETARD

tous droits réservés. (extraits de la "Dame de coeur" 2003)

L'orthographe et la tournure des phrases de Sophie ont été respectées

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